Cave Poésie - Toulouse - décembre 1987 avec Michel Raji
 
"Les Cendres de Walter Benjamin" poursuit l'avancée ouverte dans "Habitant du paysage".
Les "Cendres" c'est le deuil des avant-gardes, de la modernité et de la Révolution, son mythe vecteur ;
c'est l'horizon lourd de déception de Walter Benjamin, écrivain et penseur allemand - juif - né à Berlin en 1892, qui s'est très tôt interrogé, à partir de la photo, de la radio et du cinéma, sur "l'oeuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique".
Les "Cendres" c'est aussi une élégie à l'Europe déchirée, à partir de deux lieux de la Méditerranée, le village de Portbou, en Catalogne, où Walter Benjamin s'est suicidé en tentant de fuir le nazisme en septembre 1940, et le Mont-Athos en Grèce, un millénaire à rebours dans le temps, montagne sainte du Christianisme orthodoxe d'Europe orientale, "en lointains arrière-plans d'espaces consacrés." (Heidegger)
Élégie écrite à partir d'un troisième lieu d'Europe, son centre symbolique, le mur de Berlin.
L'ensemble focalisé sur l'Océan Pacifique d'où l'on peut voir les Nuages de Magellan s'éloigner de notre galaxie, dont Louis Massignon nous a dit qu'ils "nous avertissent de l'incarcération définitive de l'humanité emmurée vivante, non seulement dans ses axiomatiques théoriques, mais dans les dimensions finies de l'Univers expérimentable." (Parole donnée)
Les "Cendres" c'est, enfin, la poursuite, sur les rivages maghrébins de la Méditerranée, de l'itinéraire en terre d'Islam.
 
Ainsi ces trajets sur les confins, qui sont aussi traversées, passages, pour avoir été des chemins d'errance n'en sont pas moins devenus des itinéraires récurrents, dont les vers et les poèmes sont les aires, les amers et les bornes-fontaines.
Itinéraires dans l'espace méditerranéen; non pas terre natale mais terres d'élection. C'est sans doute pour cela que cet espace est dé-mesuré aux dimensions de la planète et de la galaxie.
"Espace intérieur du monde dans l'intimité invisible du coeur." Rainer Maria Rilke.
 
Novembre 1987