■ 2001 Waldsterben, le désamour
 
« Waldsterben » c’est le substantif allemand par lequel on désigne un phénomène nouveau :  la mort de la forêt due aux pluies acides.
Avant l’époque contemporaine, la forêt était quasi immortelle puisqu’elle
n’a jamais cessé de se régénérer. Même si les médias n’en font plus l’actualité,
le phénomène se poursuit aussi silencieusement et inexorablement qu’un cancer.
J’ai étendu le sens du mot à cette autre mort des forêts que provoquent
les incendies sur les rivages nord méditerranéens.
 
J’ai conservé le vocable allemand non seulement parce qu’il n’a pas
d’équivalent en français, mais aussi en souvenir du séjour que j’ai fait à Berlin
(en résidence d’écriture au « Literarisches Colloquium » en 1989.
 
« Le dialogue avec la nature reste pour l’artiste condition sine qua non .
L’artiste est homme ;  il est lui-même nature, morceau de nature dans
l’aire de la nature. »
Paul Klee : Théorie de l’art moderne (1925)
 
« La Montagne Sainte-Victoire au grand pin brûlé », tel est le nom
que j’ai donné à cette photo en noir et blanc prise en septembre 1991.
Dans un cadrage tel que Cézanne eut pu le faire, apparaissent
des branches calcinées et un grand pin coupé : expérience esthétique actuelle.
« La Montagne Sainte-Victoire » fut un motif et une véritable
montagne sacrée pour Paul Cézanne qui inventa la série comme
forme d’art et production esthétique.
 
Les questions formelles de la peinture ne sont pas les mêmes que celles
de l’écriture, mais, mutatis mutandis , j’ai construit la série des
« Waldsterben » (neuf séries échelonnées entre 1969 et 1999)
comme des variations autour d’une unique trame de neuf stances
(La Langue perdue).
Ce que je cherche à traduire c’est :
 
- le passage du temps tel qu’il s’inscrit dans les cernes des troncs d’arbres,
- le partage du temps (celui de l’Histoire et le reflux du mythe) que j’ai
vécu à Berlin en novembre 1989.
 
Si l’on sait que mon “art poétique” peut se définir par cette formule :
« Désécrire par la maturation les fantasmes et les chimères dont notre
passé obscurcissait notre vue », on ne s’étonnera pas que l’écriture de
mes poèmes prenne (et traverse) plusieurs décennies ; il ne s’agit pas
de coller à l’actualité mais au contraire d’atteindre à l’immémorial.
C’est une façon de résister à l’entropie de l’époque ...
 
Novembre 1987