■ 2002 Pentti Holappa est un poète finlandais.
 

Élie Faure disait des Finnois en général :
“Ils ont hérité de l’ancêtre des steppes une force morale extrême que leur tristesse, leur réserve, leur lente accumulation de passivité et de patience accentuent en les rejetant en eux-mêmes ...”
(Découverte de l’archipel et d’autres terres en vue)
 


Programme de principe
 
La prochaine fois que je viendrai au monde ici je transcrirai chaque minute dès le début. Je n’en consommerai pas une seule sans réfléchir d’abord, et le cas échéant j’arrêterai le temps afin qu’il attende ma décision. Je choisirai les jours de calme, le travail, les nuits ardentes, les proches les plus sages, mes amours les plus belles et les plus fidèles. Avant la scène de l’amour, pendant et après, ni mon partenaire ni moi-même ne devrons nous sentir étrangers. Jamais, si la vie dépérit et avec elle toutes les choses, je ne me dirai que demain il sera trop tard.
 
La bannière jaune - 1988
 



La patrie est un lieu nécessaire.
En terrain découvert le point s’actualise,
d’un coup d’aile il devient ce présent où le vent balaie la forêt,
décoiffant la mer aux vagues vertes, et la neige écume.
 
Le coeur empoisonné de la centrale nucléaire illumine la ville.
Voici des paroles familières : une mère achète un livre d’images à son enfant,
il faut à ces enfants d’anciennes fables pour grandir.
 
On détache de lui la peur qui nous lie tous,
on raconte d’une seule et longue phrase les prairies  
au printemps,
les oiseaux migrateurs reviennent d’au-delà des
mers,
les saumons remontent les rivières.
 
Il y a bien longtemps déjà nos pères chantaient des poèmes,
héros battant les brûlis, chassant les bêtes,
tant de chants louant de fragiles destins.
 
Nous chuchotons, à voix basse nous chuchotons dans le vacarme du monde,
il nous faut un coin de refuge dans la matière frémissante,
il nous faut des souvenirs, à tout prix,
et nos semblables, pour que le temps fasse halte
un instant seulement,
à hauteur de nous.
 
Cinquante-deux - 1979
 

in
Les mots longs
Poèmes 1950 -1994
traduits du finnois par Gabriel Rebourcet
Poésie/Gallimard : Paris (1997)